mardi 4 février 2014

Un entretien chez un très grand acteur de la téléphonie



Tout le monde rêverait d’avoir ce grand nom à son tableau de chasse (enfin à son CV). J’ai eu l’immense honneur d’être contactée (chassée) par le cabinet de recrutement dédié à cette société.
Tout s’est bien passé, j’ai réussi l’entretien téléphonique avec la recruteuse et je suis allée la voir dans son petit bureau tres bien situé dans le  très chic 8 ème arrondissement à Paris.
Le poste m’intéressait beaucoup, j’avais toutes les compétences requises, l’expérience dans le domaine et même plus, et l’expérience internationale nécessaire. Bref, du cousu main.
Sauf que.
Sauf que lors de mon entretien avec la recruteuse, elle me confie avoir place elle la potentielle future chef(taine), et elle a 10 ans de moins que moi.
Un signal d’alarme se déclenche dans mon cerveau. Je parle de mon inquiétude à la recruteuse, en effet, qui recruterait une personne plus expérimentée qu’elle pour faire partie de son équipe ? Surtout par les temps qui courent.
La recruteuse, très professionnelle et confiante, me dit que mon profil est très bien ciblé et qu’il n’y a aucunes raisons que cela ne fonctionne pas.
Je me rends dans le superbe bâtiment de la grosse société de téléphonie. Je suis impressionnée par les bureaux. Certes, ils ne sont pas dans un endroit ou j’aimerais tomber en panne d’essence la nuit, mais le bâtiment en impose.
Les gens qui y travaillent le savent d’ailleurs, pas un sourire, très hautains, pas un bonjour, pas un signe de tête. On attend de savoir qui vous êtes avant de voir si cela vaut le coup de vous adresser la parole. J’ai retrouvé ce type d’attitude hautaine dans toutes les grosses boites ou j’ai eu des entretiens. C’est effrayant.
Je prends mon badge, donne ma pièce d’identité au service de sécurité. Ils doivent avoir peur de l’espionnage technologique.
Et j’attends sagement. Presque 30 minutes de retard. Mon opinion négative sur la société se confirme petit a petit.
Finalement le chef des ressources humaines vient me chercher, il était 18h30 un vendredi soir d’hiver. Il s’excuse pour le retard : une réunion qui a trainé.
Nous nous asseyons dans une salle de réunion, il me propose à boire, je refuse et l’entretien commence.
Cela se passe plutôt bien, il est avenant, souriant, sociable, pose des questions ouvertes. Il me demande ce que je connais de la société. Assez facile, car elle est mondialement connue. Il me demande de réciter mon Cv et, entre chaque poste, il me demande pourquoi je suis partie.
Bien sur, pas question de lui dire que mon chef était un con fini, ou que la société a voulu me virer parce que j’ai pris deux semaines de vacances d’affilée en été ou alors que j’étais payée au lance-pierre.
Non, non, je suis partie parce je voulais de l’avancée dans ma carrière et que je stagnais dans le poste ou alors parce que la société a déménagé loin de mon domicile et qu’il m’était difficile de suivre.
J’ai une expérience assez longue aux Etats-Unis. Je reviens m’installer en France et c’est la raison pour laquelle je recherche un emploi actuellement.
Il semble très curieux de cette expérience américaine, il me pose beaucoup de questions. Je ne me méfie pas, je réponds a l’interrogatoire, c’est une conversation très sociable.
Puis finalement fin de l’entretien, il doit travailler encore un peu puis aller rejoindre sa famille, il est 19h00.
La future chef arrive. Elle ressemble aux autres employés que j’ai pu voir pendant ma demi-heure d’attente dans le hall. Hautaine, froide et les dents qui raillent le parquet. Tout à fait détestable. Je fais fi de ma première impression et me prête de nouveau volontiers à l’explication de mon CV. On peut avoir l’air froid et ne pas l’être vraiment.
Elle me pose quelques questions, puis rapporte chacune de mes réponses à sa propre expérience de plusieurs années dans un grand cabinet de conseil. Voilà l’explication de l’assurance démesurée.
C’était comme si elle cherchait à me prouver qu’elle avait autant, voire plus d’expérience que moi. Je ne suis pas entrée dans ce jeu de celui qui a la plus grosse (expérience).
Puis, la société étant Coréenne, elle me demande si j’ai déjà travaillé avec les Coréens. Je ne pense pas que c’est donné à beaucoup de monde, surtout en France, mais je réponds que non.
Elle se lance alors dans une tirade m’expliquant combien c’est difficile, combien ils sont lunatiques et combien cela peut être frustrant de se voir refuser des projets pour cause de choc des cultures.
Elle me dit même qu’ils lui ont attribué le césar de la « chieuse » lors de leur dernière réunion commerciale la veille à Londres. Pour tout dire, je n’ai eu aucun mal à le croire.
Mais je ne voyais pas en quoi cela me concernait.
Elle me dit enfin qu’il savoir faut accepter les défaites et accepter de tout refaire ou de changer un projet au dernier moment. Il faut aussi savoir défendre son projet face a des gens qui ne comprennent pas le marché français et pensent tout savoir. Et, être une femme n’aide pas.
Je veux bien la croire, je compatis et lui explique qu’en matière de choc des cultures, j’ai pu m’adapter très bien à l’autre bout du monde avec des chefs de toutes nationalités (américains, japonais, anglais, indiens) qui ne comprenaient pas qu’une femme puisse vouloir travailler.
Puis elle me dit que le poste requiert de travailler tard le soir et qu’il y a des voyages. Elle me demande si j’ai des enfants. Oui j’ai des enfants comme la plus part des femmes de mon âge. Je lui renvoie la question pour voir à qui j’avais à faire. Elle n’en a pas. Mince, ma théorie de la fille qui fait passer sa carrière avant tout se confirme.

A la fin de l’entretien à 19h45, je suis sortie déprimée. Je sais que j’avais les compétences pour le poste, elle a même loué le fait que je pourrais commencer presque sans formation. Je sais également que j’étais parfaite pour le poste, je ne pense pas que je me serais vue attribuer un césar de chieuse, j’aurais plutôt été dans le mode diplomatie et efficacité.

J’ai reçu un appel désolé de la recruteuse qui m’a annoncé qu’ils avaient été impressionnés par mon CV et par l’entretien mais que je n’étais pas retenue. 
La raison : avec mon expérience aux Etats-Unis, je ne pourrais jamais m’adapter à la culture de la société.
Je me doutais que la chef ne me prendrait pas, car j’aurais pu lui faire de l’ombre, prendre son poste et même faire mieux. C’est faire entrer le loup dans la bergerie. Et il semblait qu’elle était en difficulté  et pas très heureuse dans cette bergerie.

De plus, elle est en âge d’avoir des enfants, il ne vaudrait même pas trop qu’elle tarde. Mais elle fait le choix de ne pas en avoir et me fait donc payer mon choix d’en avoir et de très bien me débrouiller avec.
J’ai eu affaire à ce genre de femmes très souvent. Elles pensent que la seule façon de réussir est de se sacrifier et quand elles ont réussi et qu’elles se sont sacrifiées, elles regrettent et deviennent amères.

Mais j’ai été déçue, cars’ il s’était agit de raisons purement dans l’intérêt de la société, j’aurais du avoir ce poste. Car j’aurais pu faire avancer les choses et même faire briller mon chef si elle n’avait pas été si peu sure d’elle.

Le monde du travail est une jungle, spécialement les grosses sociétés comme celles-ci, on avance en écrasant les autres. Et on choisit ses subalternes de façon à pouvoir continuer à survivre.
Je me console en me disant que très certainement ma première opinion était la bonne et qu’elle aurait été une chef abusive. J’ai passe l’âge de me faire aboyer dessus.

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